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mardi 19 juin 2007

Taue - 田植え

植える signifie "planter". Ce samedi était organisé par les étudiants de la 農学部, la graduate school d'agriculture (qui occupe tout le campus nord) un plantage de riz traditionnel. Pour cela il fallait se rendre à Takatsuki, une station de train entre Kyoto et Osaka. On peut pas trop appeler ça ville ou village, vu que les maisons s'étalent en continu sur les 40 minutes de train qui séparent les 2 grandes villes. Enfin selon l'appellation japonaise c'est une ville. Donc ici, il y a un centre d'expérimentations de l'université pour faire pousser des trucs.




D'ailleurs, l'université doit être bien riche, vu que le centre est juste à coté des 2 stations des 2 compagnies de train (i.e. ce qui fait le prix du terrain), et qu'en plus Takatsuki est une des rares stations entre Kyoto et Osaka ou l'express s'arrête (i.e. ce qui fait le prix du terrain très cher). Ils ont aussi des observatoires autour de Kyoto, même un à Tottori, et j'ai vu a l'instant dans une brochure qu'il y a aussi des experimental stations un peu partout dans le sud du Japon.

Donc le matin, on prend les pousses de riz, 苗 (nae) qui sont en pot (qui sont en fait de grandes plaques en plastique), on les sépare brin-à-brin, on enlève la terre des petites racines, et on en fait un bouquet. Pour cela on prend une écorce de bambou et on fait un nœud spécial pour pouvoir le délier en un clin d'œil. On a fait ça pendant à peu près 1h, pendant laquelle j'ai discuté avec mon voisin, doctorant en mauvaises herbes, et j'ai eu ma dose de vocabulaire spécialisé. Puis on balance tous les bouquets dans le champ, dont le kanji est assez descriptif pour une rizière, 田.



Après avoir mangé son bento (boite-repas) à l'ombre (parce que j'ai quand même bien bronzé), on repart l'après-midi pour le plantage.

La centaine d'étudiants que nous étions se répartit sur toute la largeur des 2 champs à planter, les pieds dans la boue. Il y a à peu près 10 cm de boue et 10 cm d'eau, qui ne s'en va pas grâce à du sol imperméable en dessous (hé non, je comprends pas les noms du vocabulaire pas courant). Il y a aussi un grand fil sur toute la longueur, avec des marques rouges tous les 30 cm. On marche à reculons en plantant 2 ou 3 brins (2, car un seul, s'il meurt, ça ferait un trou. 3, évidemment pour 念のため) sous chaque marque et à mi chemin entre la marque et la même marque quand le fil était dans sa position précédente. Il y a des gens qui font avancer le fil tous les 50 cm. Donc on recule sur les 50 mètres du champ en se penchant 100 fois pour planter des brins tous les 25 cm. On était très nombreux, donc j'avais 2 marques rouges à planter. Quand on a plus de brins en main, on se retourne et on va ramasser un bouquet qui traîne dans le champ. Et normalement ça donne un quadrillage parfait.


Une photo d'une année précédente probablement

(Page officielle)


Le champ d'à coté, avec des pousses déjà bien grandes


Dans l'ancien temps (quand il n'y avait pas la viande, les produits laitiers, et tout ce qui fait grandir les japonais du nouveau temps) on mangeait 6 bols de riz (= 6 x 180g) par jour, soit 400 kg de riz par an. De nos jours, c'est 60 kg par an en moyenne. Avec 10 ares (1 km²), on est capable de produire 600 kg de riz (= ¥30万 = 2000 euros) par an (le riz japonicus, c'est 1 récolte par an, contrairement à 2 ou 3 en Asie du Sud Est. Comme ils mangent tout, ils ne peuvent pas l'exporter, et sont même obligés d'en importer. Mais c'est évidemment, c'est le seul riz qui permette au chef de faire ses sushis).

Avec nos 2 champs, pour un total de 0,2 hectares, on a donc 1,2 tonne de riz en préparation.


Après la courte plantation (1h environ à 100 pers), on a commencé la nomikai à 15h, avec des asperges (vertes et croquantes) et tomates expérimentales, et du poulet qui lui ne devait pas venir du même centre. On nous a demandé comment on disait "asparagus" en anglais, comme s'ils ne savaient pas que les mots japonais qui ne sonnent pas japonais ne sont pas d'origine japonaise et pour la plupart anglais, à part pain (à prononcer panne), buffet, parfait, Mont Saint-michel et Comme ça du mode.

Puis un autre prof est venu nous causer, aux 2 étrangers, d'un des 1001 paradoxes des japonais, l'anglais langue étrangère. La plupart des gens ici vénèrent les native english speakers, voire n'importe quel étranger car il est naturellement américain donc/ou fluent en english. Tous, que ce soit parce que parler anglais ici c'est aussi classe que d'avoir un kanji en tatoo sur l'épaule en France, ou accessoirement pour rendre ses publications scientifiques accessibles au monde entier, veulent parler anglais (parce que c'est vrai qu'ils sont vraiment très mauvais, au point de me dire que je peux parler anglais) et on voit très souvent des pubs pour des sociétés de cours d'anglais, dans lesquelles on se fait embaucher dès qu'on dit être native english speaker (et pour avoir vu des japonais enseignant l'anglais, c'est peut-être mieux d'aller là pour éviter d'apprendre par erreur à l'école une néo-langue morte). Ils ont aussi les cours d'anglais pour enfants, ce qui est après tout normal, vu qu'au collège et lycée la plupart des élève ont des cours supplémentaires appelés juku, 塾, cours privés de la sortie de l'école à très tard le soir pour s'assurer que les petits japonais n'ont bien aucun temps libre pour les habituer à leur future vie au Japon. Mais ce que je trouve bizarre (même si après tout c'est le Japon), c'est les classes d'anglais pour 0-3 ans. Là, la présence d'un distributeur automatique d'œufs au bord de la route paraît toute naturelle.
Pour en revenir au prof qui nous causait, il est arrivé à nous dire de dizaines de manières différentes que la présence d'étudiants étrangers sur le campus (notamment du programme KUINEP, une année parfois gratuite à Kyoto pour étudier la langue et la culture) c'était pour donner aux japonais l'occasion de parler anglais. Par contre il dit que ça marche pas du tout (en effet), car d'une part les japonais préfèrent rester entre eux, et d'autre part ils sont timides et n'iront pas d'eux-mêmes parler à ces english automatic teller machines. Du coup la seule solution viable devient l'année d'échange ailleurs, une fois surmonté le cap de not(japan) = danger.


Comme le Japon c'est le pays du train, voilà la ligne Hankyuu, la compagnie la moins chère pour relier Kyoto à Osaka



Comme le Japon c'est aussi le pays des fils éléctriques ...



Quand il n'y eût plus rien à manger il est allé nous montrer ce qui fait que l'activité d'aujourd'hui est juste cérémoniale, les machines. Une qui plante les graines pour fabriquer les plaquettes de plants de riz (faite pour être opérée par exactement 2 personnes, le papy et la mamie), un tracteur léger spécial pour planter les plants régulièrement dans la rizière, et le récolteur de riz. Tous les producteurs ont ces 3 machines. Avec la machine à planter, on fait en 1h – 1h30 nos deux champs du jour, soit exactement 1 machine = 100 personnes. Avec les engrais et trucs chimiques de nos jours, 1 seul passage par an est nécessaire, ce qui rend le travail dans les champs de plutôt cool. Par contre, avec la moyenne de 0,5 hectare par producteur, il n'est pas possible d'en vivre, d'où la diversification des activités, ou bien la naissance d'entreprises qui possèdent des grandes terres, où chaque fermier devient (sic) un "salaryman des campagnes"



Le soir, en rentrant du supermarché, je suis monté sur le toit de mon immeuble (il y a des escaliers pour ça).



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