Hokkaido Tour : Shiretoko, le pays des ours (7)
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J09 (Nemuro - Rausu) | J10 (Rausu - Abashiri) |
Jour 9 (16 sept) : Nemuro 根室 – 熊の湯 Kuma-no-yu (140 km)
Je me réveille tôt, il fait gris, il fait froid, et il pleut encore. C'est la première fois depuis mon départ que je me réveille en sentant autre chose que l'onsen de la veille. Jusqu'à hier, j'avais réussi à prendre 9 bains consécutifs dans de la vraie eau d'onsen avec des minéraux bénéfiques qui font disparaître les courbatures avant qu'elles n'apparaissent. Qui plus est dans 9 différents endroits, ce qui est à mon avis une belle prouesse. C'est tout à fait impensable en habitant à Kyoto, où pour aller à l'onsen il faut en fait l'objectif de la journée, alors qu'à Hokkaido c'est juste pour faire ma transition vélo -> dodo en douceur quel que soit l'endroit. Reste que le bout de terre où est perché Nemuro est tout plat alors que les onsen se trouvent généralement là où y'a des trucs volcaniques et donc du relief.
Mais de toute façon je ne peux pas rester sous mon petit toit à Nemuro toute la journée, et surtout j'ai très envie d'arriver à ma destination, 羅臼, Rausu, sur la péninsule de 知床 Shiretoko, pour manger plein de hokke (une autre sorte de poisson) au festival, comme m'avaient indiqué les gens de hier soir. J'enfile donc mon k-way de conbini trop petit à 500 yen, celui qu'on achète pour dépanner mais qui finalement est resté dans mon camping package, et je pars pour Rausu le long de la mer. Je suis vite trempé. Je dois faire 10 km qui recoupent mon parcours de la veille, et entre temps la pluie cesse. Vu le nombre de fois qu'on me dit de faire attention aux ours et le nombre de pancartes au bord de la route, je scrute bien les alentours mais sans succès. Pour compléter le palmarès météo j'ai droit à un vent de face/coté jusqu'à 5 m/s.
"Les territoires du nord (ndlr : les 4 îles), c'est des territoires japonais"
Le ciel se dégage peu à peu et on voit super bien 国後島, Kunashiri, une des 4 îles revendiquées par le Japon. Ca me dérange pas que le Japon ait perdu des îles à la guerre, après tout ils en ont fait suffisamment pour en voler plein et ils ont pas à se plaindre, mais là 国後島 à vraiment l'air d'être un bout d'Hokkaido. Et surtout, pour des Japonais pour qui l'étranger c'est des gens imprévisibles loin, derrière la mer, hors de portée, ça doit faire bizarre de voir l'étranger tout près.
Sur une aire de repos, je m'arrête à un des innombrables musées des Northern Territories.
Les familles appellent leur semblables séparés par les Russes, emprisonnés sur les 4 îles représentées par les 4 pylônes. En vrai ils ont plutôt super faim et essayent de rappeler les poissons qui s'en vont vers le nord en zone russe, là où l'eau reste fraiche et pas polluée par les entreprises et les voitures japonaises.
Explications seulement en japonais et russe, on peut douter des motivations qui ont mené à sa création...
Image en haute résolution pour les caractéristiques de ces 4 îles (en fait un peu plus, car on regroupe sous le nom Habomai plusieurs petites îles)(88 habitants sur l'une d'elles en 1945 ...)
J'arrive pas trop tard à Rausu. La ville "commence" à peu près 10 km avant la ville par des maisons assez modernes le long de la route. 知床 Shiretoko étant une protubérance montagneuse d'Hokkaido, on ne peut y habiter que le long de la mer. Encore plus qu'ailleurs j'ai l'impression que les gens se retournent pour être sûr que je suis pas un local. Je vois des filles essayer leur kimono dans le jardin d'une maison et ça me fait penser au barbecue géant de poissons gratuits … miam. Mais à ma grande déception, je me retrouve face à des affiches disant le festival terminé à 14h. Pour faire encore plus mal, je vois qu'il y a eu distribution gratuite d'ikura donburi ! いくら丼, les œufs de poisson qui coutent plutôt cher et qui font piri piri sous la langue. En plus j'aurais dû y penser plus tôt, les matsuri c'est toujours le samedi soir avec éventuellement une deuxième partie le dimanche matin, mais pas le dimanche après-midi réservé au bon dodo pour faire des heures supplémentaires gratuites la semaine qui vient. Les gens de Nemuro m'ont eu. Je profite quand même des rayons de soleil et de la belle vue, et je fais un tour à l'attraction touristique de 羅臼, les mousses phosphorescentes ou ヒカリコケ, hikari koke, scientifiquement Schistostega pennata.
A première vue, je ne vois rien de spécial. Juste un peu de mousse derrière des grilles et un panneau. Le couple à coté de moi fait des "oooohhhhh …. sugoi …." et je me demande ce qui cloche. En fait j'ai bien fait de prendre leur place, car l'éclairement ne se fait pas dans toutes les directions.
熊の湯, Kuma-no-yu, le bain des ours, est un célèbre 野天風呂 gratuit dans la nature. C'est à 3 kilomètres en montant derrière Rausu, vers le col de Shiretoko. En quittant Rausu je vois des cerfs dans la ville, en train de chercher de la nourriture dans les maisons désertées. 熊の湯 est plein quand j'arrive ! Des locaux et des bikers. Il y a un bain pour femmes fermé, entouré de panneaux, et le bain des hommes à peine plus loin en vrai plein air. Dans la cabane de changement, il y a un calendrier tenu à jour et une annonce pour faire partie du "club des amoureux de kuma-no-yu". Ce sont apparemment des papys locaux qui prennent soin du coin. Parmi les personnes présentes ce soir, un papy bien sévère qui engueule presque tous les arrivants (bikers), qui semblent considérer le bain comme hors de la société japonaise (sans guichet pour payer ni employés pour dire "bienvenue"), donc où ils tentent de rentrer dedans sans même se rincer avant. Mais le club des papys veille. En plus de ne pas {connaître pour les jeunes | respecter pour les plus âgés} les bonnes manières, une bonne moitié se brûle et se plaint avec les pieds tout rouges sur le bord. Après tout ça me fait de la place.
Sur le petit pont qui mène à Kuma-no-yu
Je le quitte pour aller dans un des 3 hôtels avec onsen un peu plus bas pour avoir un éventail de bains plus large et des canapés en attendant l'heure du dodo. Mais les 3 refusent l'accès en 日帰り, higaeri (= aller à l'hôtel juste pour le bain et 400-600 yen, sans y dormir), généralement faisable presque partout. Juste pour ce dimanche, peut-être à cause du lendemain de matsuri … Du coup je monte ma tente et m'endors directement le portable à la main, il n'est que 19h.
Jour 10 (17 sept) : Kuma-no-yu 熊の湯– 網走 Abashiri (110 km)
Je fais la grasse mat' jusqu'à 6h pour ce qui sera ma plus grosse nuit de tout le périple. Je vais juste à coté à Kuma-no-yu en pensant tomber sur les papys gardiens de la veille, ceux qui disaient y aller tous les jours dès 5h. Mais je suis tout seul, j'en profite pour prendre des photos, puis le bain est pris d'assaut. Ca n'a rien à voir avec les autres onsens perdus dans la nature d'avant, celui-ci sert bien d'onsen de tous les jours pour certains habitants de Rausu. Il y a même un panneau de salle de bain avec glace et prise électrique.
Le tas de tôles pour protéger le bain des femmes des regards indiscrets. Celui des hommes est derrière
Le réservoir de mixage pour remplir le bain. Les 2 arrivées, chaude et froide, sont buvables et bonnes. La chaude à un goût d'œuf, on m'a refait l'histoire que ça soigne les gens, mais pas avec autant de conviction qu'à Fukiage-no-yu.
Je pars alors tout frais attaquer le 知床峠, le col de Shiretoko, pour passer de l'autre coté de la presqu'île montagneuse. Il y a 15 km de montée mais qui se font bien, sans pousser le vélo. Il y a comme partout des travaux à mi-chemin.
Et au détour d'un virage, au moment ou je relève la tête, je me retrouve nez-à-nez avec un cerf pile devant moi. Heureusement que c'était de la montée, il reste immobile pas effrayé du tout au milieu de la route. A peine plus loin, un autre n'a l'air de trouver bizarre d'être au milieu de la route. Ils ont quand même du s'écarter quand j'ai croisé une voiture.
Toujours Kunashri ...
Panorama
Au sommet du col, à 740 m, on ne voit pas le mont Rausu 羅臼山 (1661 m) la tête dans les nuages, mais on aperçoit super bien la grande 国後島, l'île aux Russes, alors que c'en est même pas la moitié.
Même si ce coin respire la tranquillité il y a quand même 2 bus des touristes, et 2 vélos, dont un vêtu comme un terroriste mais qui finalement avait bien raison. La descente vers ウトロ est glaciale, la pente plus raide que de l'autre coté.
En bas, peu avant ウトロ Utoro, il y a un shizen center, associé au parc national de Shiretoko. Shiretoko forme une corne sur Hokkaido mais à partir de la moitié il n'y a plus que 2 routes qui s'enfoncent un peu dans la forêt. Sinon c'est une forêt inexplorée et apparemment dangereusement peuplée d'ours. On peu en faire le tour en bateau de tourisme. La partie instructive du shizen center, c'est des cartes détaillées et des instructions pour se défendre contre les ours. Il y a aussi des photos de カムイワッカ, Kamuiwakka, qui est une cascade au bout d'un cul-de-sac à 20 km en allant vers la pointe. C'est connu car c'est une cascade à onsen. J'ai hésité à y aller, mais la route étant fermée à tous les véhicules (sauf le bus touristique du shizen center) j'ai pas tenté 40 km pour éventuellement avoir à faire face là bas à un garde borné qui fait "no no no" avec les bras en croix. Des fois il vaut mieux des machines qu'un Japonais, au moins on peut les réparer où les bidouiller. Je me suis alors contenté de regarder les photos de カムイワッカ. C'est un ruisseau qui descend la montagne en faisant plusieurs bassins jusqu'à la mer. Plus on est en amont et plus le bassin est chaud, ce qui doit permettre de trouver sa température idéale.
A. Comment faire pour éviter le higuma :
1. Se faire bruyant
2. Examiner les traces du higuma
3. Reconnaître son territoire
B. Si malgré tout ... il nous tombe dessus :
1. Ne surtout pas paniquer
2. Ne pas s'enfuir en courant
3. Prendre lentement ses distances (et d'après le Lonely Planet, en laissant son sac à dos)
1. Se faire bruyant
2. Examiner les traces du higuma
3. Reconnaître son territoire
B. Si malgré tout ... il nous tombe dessus :
1. Ne surtout pas paniquer
2. Ne pas s'enfuir en courant
3. Prendre lentement ses distances (et d'après le Lonely Planet, en laissant son sac à dos)
Il y avait aussi des photos de cannettes mordues et d'ours trainant dans un camping. Ils sortent de la forêt quand ils ne trouvent plus de nourriture.
La partie commerciale, plus grande que la partie instructive, vend plein de faux trucs inutiles comme les petites sculptures en bois soit disant des Ainus, des porte-clés avec n'importe quoi au bout, et un rayon consacré aux ours. J'y ai d'ailleurs mangé du chocolat fort comme un ours.
Il vient l'heure du repas. Le premier 食堂 (restaurant-cantine) à l'entrée d'Utoro est rempli d'une bonne quinzaine de bus. Je vais manger au petit 食堂 du port, recommandé par le bouquin. C'est bien cher mais j'y mange un super bon ほっけ (hokke), dont le gout n'a rien à voir avec ceux servis dans les izakayas.
La route est ensuite parsemée de cascades, dont la grande オシンコシン, Oshinkoshin. Des poissons essayent en vain de les escalader …
Il y a un (demi-)poisson bien courageux sur cette image
オシンコシン, Oshinkoshin
Je vais ensuite dans le magasin de souvenirs acheter un timbre à cartes postales, qui coûte 50 yen pour le territoire japonais. Je demande donc "un timbre à 50 yen", et la commerçante me répond un "un timbre pour la Russie ?" … pourtant 五十円 et ロシア n'ont rien en commun. Je répète, je veux un timbre à 50 yen, mais elle insiste : "Oui mais pour l'étranger c'est 70 yen". Voilà qui illustre bien la pensée japonaise. On peut se dire qu'ils veulent juste rendre le meilleur service, mais d'une manière bien bornée quand même. La route est infestée de 4x4 lorsque je me rends compte qu'il est déjà 14h (les 2/3 du temps de jour sont passés) et que je n'ai pratiquement rien pédalé. Il fait super froid et je fonce sur la route toute plate.
J'ai hésité avant de m'arrêter en plein milieu d'une pointe de vitesse ... mais c'est pas tous les jours qu'on en voit autant alignés ...
Dans une michi-no-eki, du curry à l'ours. Les boîtes à droite c'est du curry au cerf
Je passe 斜里 Shari et arrive pour la nuit à 網走 Abashiri, la ville au bout du monde pour les prisonniers politiques, avec des cellules chauffées naturellement jusqu'à -20 °C. C'est au bout du monde mais je tombe sur un Internet café pas à la japonaise (grand complexe de petits boxes avec les murs tapissés de bibliothèques de manga et vidéos), c'est juste une petite salle avec 5 PC cote-à-cote. Ma boîte mail du labo est surchargée et j'y trouve un mail d'un élève, "Parce que je prends 2 semaines de vacances je ne serai pas au labo. Je serai absent aux réunions. Je suis infiniment désolé que mon égoïsme vous cause de grands soucis à tous, bla bla bla", qui semble être la procédure obligatoire pour pouvoir s'échapper.
Abashiri, 網走
Après avoir fait mes recharges de bonbonnes d'huile au 100 yen shop, je me trouve un petit resto, et suis accueilli comme souvent par un "aaaaahhhhh c'est terrible je parle pas anglais comment va-t-on faire?" de la part des gens en cuisine. Abashiri a de nombreux endroits pour les onsen, et après une comparaison dans les 2 revues à onsen en libre accès dans les conbini, je jette mon dévolu sur un hôtel quelques kilomètres au sud. Il y a une ambiance romaine avec des piliers au milieu d'une immense salle, et un bain géant. Il y a aussi un 野天風呂. Je me lave avec les shampoing et body soap 馬油 (huile de cheval), j'avais déjà vu ça une fois dans un onsen de Shikoku. Je sais pas ce qu'il y a de spécial mais ça fait mieux que les produits ordinaires.
Je suis tout ツルツル mais faire du vélo toute la journée ça me rend quand même le visage tendu et ridé. J'ai un campground juste à coté de l'hôtel, au bord d'un lac.
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