Thaïlande (17) - Derniers kilomètres dans l'Isan
[27 mars] : 〜Nong Khai – 〜Nong Wau So (〜120 km)
Je dors assez mal sur le plancher moisi, pas de moustiques mais pourtant je suis piqué et ça gratte. C'est alors que je remarque quelques fourmis, et après quelques secondes de plus un mouvement régulier apparaît, je découvre qu'une colonie de petites fourmis a décidé de court-circuiter ma tête. Comme au réveil aux alentours de Nam Pat, mon sac en est aussi infesté, je dois entièrement le vider et souffler les fourmis sur chaque objet/habit.
Ca me met en retard et le proprio arrive, on causotte un peu et c'est parti. En fait je suis tout près de la route 2, que je traverse pour continuer vers le sud de l'autre côté. Par deux fois je croise des processions de moines avec des amphores en fer, passant dans les villages, dont les habitants font une courbette et leur donnent un truc à manger. A chaque don les moines répondent par des chants incantatoires …
Je déjeune du khao nio, le riz à manger avec les doigts, avec du poulet. Au moins, dans ces coins il y a de la vraie viande, et pas des petits bouts coupés qu'il faut chercher dans une assiette de riz frit.
7h30, petit-déjeuner
Et c'est parti pour de bon. Dans l'Isan, on parle une langue entre le thaï et le lao, mais ça explique pas pourquoi, sorti de nulle part, je vois pour la première fois une signalisation aussi complète : en thaï, anglais, chinois, vietnamien (le Vietnam n'est pas frontalier de la Thaïlande) et lao.
Aucune excuse pour se perdre aujourd'hui
Je prends la 211 et bifurque vers Kut Chap. Je m'arrête en route à une pagode, Phra That Bang Phuan, remplie de ruines. Il s'avère que c'est un site touristique, et qu'avec le Wat Pho Chai, j'ai fait 2 des 4 plus grosses attractions de la région de Nong Khai, sans le faire exprès.
Phra That Bang Phuan, et ses explications sur les étapes importantes de la vie de Bouddha
Statuettes au pied du Bodhi tree
Sa Phaya Nak, l'étang de Naga avec de l'eau sacrée
Ma route devient rouge, comme pour faire écho à mes premiers jours sur le vélo, et ça part en Paris-Dakar, mais avec une route lisse et agréable.
Ca doit être par là …
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Voilà qui devrait être un bon repère, si c'est le Wat Pa Panyanimit, mais qui sait ?
Je suis bel et bien perdu, car si je me repère avec le soleil et sais dans quelle direction il faut aller, la "route" n'est pas toujours conciliante et je suis condamné à la suivre. Je traverse quelques villages bien paumés, puis enfin je tombe sur la route pavée 2021, mais à 10 km de là ou je pensais sortir.
Bronzage des gants
Ceci dit, déterminé à suivre le soleil et mon intuition, je me rengouffre dans les chemins qui partent comme je veux. Cette fois-ci, ils ne sont plus rouges mais verts.
A la ville, je m'arrête manger un kut-thiaw et une brochette d'œufs mixés à l'intérieur, et ice creams. C'est parti toujours direction Kut Chap.
Dans les champs , je tiens mes 20 km/h à la minute près.
Je m'arrête dans un petit village manger un khao-phat, qui fera le 3ème repas pour la journée. J'ai plusieurs indicateurs pour évaluer le temps, je peux le compter en kilomètres ou en quantité d'énergie dépensée.
Puis, à un croisement au milieu de nulle part, voilà un gros marché rempli de trucs appétissants, des trucs frais et des trucs gras. Je ne peux m'empêcher de faire des provisions, j'achète même un peu trop.
Marché
Quelques kilomètres plus loin, il y a encore un gros marché, de vêtements cette fois. Je fais quelques emplettes, teste les purs jus d'orange et de noix-de-coco pour 5 baht, et je repars me poser pour la nuit dans la hâte de me faire mon festin.
Marché aux vêtements … mais pas mal de manger quand même
Parking
Surcharge d'achats à l'avant, et festin à l'arrière
Un peu plus loin, je bifurque, quitte la route pour aller me trouver une belle cabane au bout d'un chemin. A côté des poules. Il ne manque plus que l'onsen.
18h40, solide cabane pour la nuit trouvée
Aaaahhhh … le festin ! …qui fera aussi petit-déj
Je m'écroule et m'endors tel quel sur les planches, l'absence de moustiques ne m'obligeant pas à revêtir mon sac.
[28 mars] : 〜Nong Wau So – Khon Kaen – Bangkok (〜120 km)
Je suis réveillé vers 4h30 par le premier coq, qui n'était pas au programme. Mais dès 5h30, la musique d'un des voisins, qui résonne sur le plateau, me force à quitter les lieux.
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Décoration
Toujours en évitant de faire demi-tour pour rejoindre facilement la route, je pars devant, me perds un peu dans des coins non électrifiés, et retombe enfin sur la route.
Un wat local
Un peu de brume
En gros, je sais où je vais, je mise sur Khon Kaen pour la soirée, une grosse ville équipée d'une voie ferrée pour le retour sur Bangkok. Mon avion part demain.
Toujours aucune logique relative au luxe des habitations, qualité des routes, etc
Mais bien sûr …
Alors que je m'apprête à rejoindre le réservoir d'Ubonrat, je vois écrit au bord de la route "Café", et décide de faire une pause. En effet, j'avais beau demander à tous les marchands sur les villages en route, tout ce qu'ils avaient c'est du café en canette au frigo. En commandant, je suis rejoint par un Australien, le mari, qui me dit que je suis le premier client depuis l'ouverture de son café, vu que les Thaï ne font pas de pause café.
Il est donc marié à une Thaï, a tout quitté pour venir s'installer ici. Il connaît tous les étrangers de la région, des vieux occidentaux qui ont fait pareil. Tous vieux, et avec une maison équivalente à un palais pour le niveau local. Lui le parle, mais les autres ne parlent pas le dialecte lao d'Isan, et il me raconte tous les déboires des étrangers qui pensent refaire leur vie dans ce petit paradis, où leurs économies en € en font des dieux.
Donc d'après lui, du point de vue thaï, la fille qui choppe un occidental et le marie, c'est le jackpot, une vie de princesse, et une existence plus que correcte assurée pour tous les membres de sa famille (ce qui explique pourquoi toutes les jeunes d'Isan sont impatientes de quitter le foyer pour Pattaya & co et de chasser le jackpot). Avant, la fille à marier se vendait dans les 20/30 milliers de baht, et maintenant ça dépasse les 50. Voire 100 pour ceux qui se font avoir, mais qui après tout s'en foutent vu que ça reste ridicule. Et comme ça ne se fait pas de perdre la face dans le village, et que les étrangers font monter les prix, il y a des arrangements, comme quoi la dot énorme, juste pour l'image, sera retournée en partie au mari.
Les anglais représentent une majorité. Une fois installés, ces occidentaux présentent les filles à leurs amis, et petit-à-petit il se forme une communauté de vieux blancs qui démarrent une seconde vie dans un village paumé.
Par contre, ça doit pas être la joie, car s'ils peuvent construire des palais pour un peu d'euros, ils ne parlent pas la langue, ne peuvent pas communiquer avec leur femme bien plus jeune qui leur soutire des sous, peut-être en échange du VIH qu'elle aurait contracté avec les jeunes Thaï, à constater les 18 cas positifs pour un petit village voisin.
Bref, mon interlocuteur dit connaître les risques du mariage facile avec une Thaï et me fait une liste de tous les autres vieux qui se font avoir, dépouiller, qui se font vendre des terrains inondés, etc. Il me donne son conseil n° 1, "Thailand is a dangerous country if you can't say no", mais de toutes façons ça doit être terrible d'être le roi solitaire d'un royaume de champs et de Thaï paresseux. Surtout que les gens du coin, plus proches des Lao que des Thaï, sont encore plus feignants.
Je reprends la route bien tard, vers midi, quand son pote occidental, qui doit avoir dépassé 2 fois l'espérance de vie moyenne d'un paysan d'Isan, vient de parcourir des kilomètres pour lui faire la causette et tuer le temps (avec un album de filles à marier pour des potes encore en GB).
La route et plate avec un peu de vent de face, qui vient toujours du sud. Elle est presque déserte et très agréable, longeant le "Ubolrattana dam", ou le "Udonrat dam" selon ma carte. Elle est même toute neuve par endroits. La grosse côte annoncée par l'Australien est en fait bidon, elle vaut juste quelques gouttes de sueur de plus.
Udonrat dam
Malgré la bonne couche de crasse que je dois traîner maintenant, je ne me suis pas baigné, les bords du lac étant un peu crades.
A Ubolrattana je me fais une pause chocolat japonais, c'est pas le top mais au moins c'est comestible, et une soupe gluante, suivie d'une ice cream fournie par le 7/11. Les 30 derniers kilomètres sont de la grosse route 12 pour rejoindre la grosse ville Khon Kaen. C'est une course contre les nuages, que je gagne.
Me voilà donc à Khon Kaen, la ville natale d'Ommie, quelques minutes avant la nuit, c'était juste. C'est une ville apparemment moche avec de longues artères, et je file acheter mon ticket de train, pour un voyage de nuit jusqu'à Bangkok. Je demande le plus bas, mais par deux fois le guichetier veut me vendre une classe qui coûte "cher". En insistant j'obtiens la 3ème classe pour 187 baht, soit 2 tickets de métro à Kyoto, celle-là même que l'Australien m'a dit qu'il ne la reprendrait plus jamais.
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Je galère ensuite pour trouver un internet café, fais un tour au marché, et me pose dans un barbecue all-you-can-eat pour tuer le temps jusqu'au départ du train. Mais c'est que j'avais bien faim et j'ai pas le temps d'arriver à saturation que je dois me précipiter à la gare pour mon train de 22h18. Je pensais donner mon vélo, même si le raisonnement évident qui vient à l'esprit du Thaï c'est "mais à quoi ça sert de pédaler, il suffit de prendre une mobylette. En plus un vélo c'est fatiguant", mais je dois l'abandonner sur le parking de la gare.
Fin de vie pour Mamachari
Cette 3ème classe donc, m'avait été décrite comme une jungle, avec des gens qui dorment partout, les uns sur les autres, qui piquent les places, qui transportent leurs animaux. Mais c'est très correct, j'ai ma place réservée. On dirait un simple wagon JR avec les 3 ventilateurs rotatoires au plafond. Evidemment, pour le prix, ce sont des sièges pas faits pour dormir. Les fenêtres sont ouvertes, ce qui fait la joie des moustiques lors des nombreux arrêts aux gares.
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Les Thaï dorment comme ils peuvent, sur leurs voisins ou contre la fenêtre, et la place du milieu pour les jambes (ce sont des banquettes de 2 x 2 personnes qui se font face) est chère. Des gens passent dans le couloir central du wagon toutes les 10 minutes en gueulant pour vendre leurs brochettes et snacks. Toutes les conditions sont réunies pour rester éveillé contre sa propre volonté, et malgré ça, je somnole un peu entre minuit et 3h. Après tout, j'ai ma propre défense naturelle, sans douche après 3 jours de transpiration et 2 nuits avec les fourmis et les poules …
J23 - J28, la dernière partie du voyage fait environ 610 km, pour un total de 2630 km
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