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mardi 9 septembre 2008

Ballades dans Oulan-Bator

Pour mon premier réveil en dehors du Gobi, je profite d'un vrai petit-dèj avec des trucs frais, et peut commencer à planifier mon retour au Japon. Les Chinois n'ayant pas voulu me délivrer un visa double-entrée, je dois en refaire un à Oulan-Bator, et pour cela, montrer les billets d'entrée et de sortie du territoire chinois.

Après avoir pris le Transmongolien à l'aller, je compte repartir avec le train local pas cher, qui ne délivre pas de tickets à l'avance. Je vais donc à la gare acheter un ticket "étranger" qui fera l'affaire jusqu'à son remboursement.

Pour aller en ville, je monte dans le bus à 100₮, un peu plus pourri que ceux à 200₮ et à 400₮. Ca se voit surtout une fois en ville, dans la "grand'rue" d'UB, la Peace Avenue. Le bus est attaché à des lignes électriques, comme un tramway. Ca avance moins vite que les piétons sur le trottoir. Puis sans prévenir, le chauffeur quitte le bus, au milieu de la rue, monte sur le toit et va bidouiller des trucs. Comme quoi, dans le désert ou en ville, le chauffeur sait toujours jouer à McGyver.


A Oulan-Bator, le Jura c'est le fun


A la billetterie, on me renvoie en ping-pong entre 2 bureaux. Les billets internationaux ne sont pas vendus au même endroit que les billets normaux. Même si le bureau de vente ressemble plus à celui d'un consul que d'un guichetier SNCF, les lois de l'attente sont bien mongoles. Etant plusieurs étrangers à faire la queue, les Mongols se jettent sur le siège en face de la vendeuse, une fois libéré. Je finis par obtenir mon ticket pour Erlian, la ville chinoise juste de l'autre coté de la frontière sino-mongole, pour 50.000₮.

Après un lunch à la soupe de gras dans un fast food mongol où quelques enfants viennent mendier, je fais un bref passage sur Sukhbaatar Square, où Tüvshinbayar Naidangiin, le premier mongol à ramener l'or olympique dans son pays, fait un discours pendant le Global Peace Festival.

La Belle France supermarket … c'est pas du Louis Vuitton, et il n'y guère que le ciel bleu qui soit beau


Je récupère mon quota d'heures d'internet et rentre finalement me coucher, toujours sans avoir pris de douche avec du savon depuis le départ dans le Gobi. En effet, les douches de Jarmag, la seule source d'eau chaude du coin, sont fermées. Après tout, la différence entre 11 jours sale et 12 jours sale est moins importante que celle entre douche froide et douche chaude …



Mercredi 10 septembre


La même nouvelle m'accueille au réveil : les douches sont encore fermées. Heureusement que la propreté n'est pas un des piliers de la culture mongole, comme au Japon. Je cours donc à l'ambassade chinoise faire mon visa. J'arrive vers 11h10 … la ponctualité et la matinalité ne sont pas non plus des piliers. Une longue queue d'étrangers est alignée au mur de l'ambassade, sur le trottoir, mais on me dit que personne n'est encore rentré.

L'ambassade chinoise est vraiment l'endroit crucial pour tous les voyageurs coincés à UB, car elle n'est ouverte que 3 matinées par semaine et c'est fréquent de ne pas pouvoir entrer ou de s'y faire jeter sans visa. Comme l'intérêt de la Mongolie, c'est de partir dans le désert ou dans les steppes pour de longs jours d'affilée, avec aucune sécurité sur la date de retour, ça ne laisse que peu de marge de manœuvre pour demander son visa chinois et être encore dans la limite des 30 jours du visa touriste mongol pour retirer son passeport et se tirer en Chine.

La fermeture du bureau est à midi, et vu la lenteur avec laquelle on avance, ça semble perdu d'avance. D'autant plus qu'il y a des entrées suspectes : les Mongols ne font pas la queue mais se présentent directement au portier et rentrent. Les interrogations fusent parmi la file d'étrangers. Je finis par rentrer, stressé, en comprenant pourquoi il y a une sélection mystérieuse. Le portier, à cheval sur le trottoir et dans le vestibule, arrive à formuler dans un anglais hésitant qu'il veut des dollars pour sa consommation personnelle. Je lâche 10.000₮ et me retrouve finalement dedans. Protégés par un grand mur de verre, les 3 employés Chinois sont contre le reste du monde. Manque de bol, j'ai pas de photocopie de mon billet de train, et ils refusent d'en faire une sur les photocopieuses juste derrière eux. Comme un Chinois d'ambassade c'est aussi compréhensif qu'un BSOD terminal, je sors en courant dans la rue à la recherche d'une photocopieuse, comme dans la Carte aux Trésors, sauf que je n'ai ni hélico ni maîtrise de la langue locale. Les employées d'un Skytel shop me sauvent la vie avec cette photocopie, mais mon sprint retour à l'ambassade n'est pas suffisant. La grosse porte de fer est fermée, le portier est déjà parti avec ses dollars, et je suis sur le trottoir. Après un tambourinage je réussis quand même à me faire ouvrir pour récupérer mon sac laissé à l'intérieur, mais niet visa. Une matinée de foutue en l'air, et une autre de programmée pour dans 2 jours.

Je vais me consoler en entrant dans un resto et en commandant un truc au hasard. Le sort ne s'acharne pas sur moi et je reçois un steak pas mauvais.

Avec, bien sûr, les éternelles boulettes de riz et du tsai


Puis interlude culturel avec des dinosaures :

UB National History Museum


65 millions d'années après les dinosaures


Je passe devant une guesthouse en sortant, et décide de la prendre enfin, cette bonne douche. Mais le sort s'y remet : coupure d'eau chaude. Donc, en attendant de retrouver Sarnai des chutes d'Orhon, je me pose tranquillement à Sükhbaatar Square sur la statue de Damdin m'adonner au people watching. Jusqu'à réaliser que je ne suis pas au bon endroit de RDV, et je file.

Jeunesse mongole

Je ne pensais pas être dans un état si déplorable, mais elle m'emmène directement dans un établissement un peu éloigné du centre ville, qui fait sauna. En fait, c'est exactement un 찜질방 jjimjilbang, comme en Corée. Je commence par noircir une towel en me lavant sous de l'久し振りな eau chaude, puis on se retrouve dans les saunas à fausses pierres précieuses. Sarnai a été invitée à de nombreux séminaires à Taiwan et Séoul, la Seoul street d'UB s'appelle ainsi suite aux nombreux financements que les Coréens ont apportés à la capitale mongole, et Sarnai a même du kimchi chez elle. Des fois on se croirait dans un protectorat du pays du matin calme (et frais, surtout en janvier).

On évite les restaurants coréens pour finir la soirée et trouvons une pizzeria. La pizza est, bien évidemment, gorgée d'huile. Le menu propose une pizza "mongole", sans surprise "mouton, oignons", les ingrédients du khuushuur.

La bonne nouvelle de la journée, c'est que je n'ai plus de sable du Gobi dans les cheveux.



Jeudi 11 septembre


On se retrouve tous en ville pour une nouvelle sortie musée. En attendant sur les marches de La Poste, le bon endroit pour internet et pour les rendez-vous, je peux observer le stratagème d'une petite fille qui fait mendier sa petite sœur, au milieu des Mongols citadins bien habillés pour sortir.

Un peu plus de people watching

Le musée du jour est le International Intellectual Museum. C'est à l'est de la ville, on y va à pied depuis le centre, le long de la grande avenue.

Ленин Lénine comme point de départ


Encore des plats au hasard pour nourrir nos pattes


Let it be not ads only


Derrière les Beatles, le bâtiment du musée surmonté d'un puzzle spatial


Les photos sont interdites à l'intérieur, il faut donc les voir dans la galerie du site.

On est guidés en anglais par une jeune Mongole à travers toute l'œuvre du maître des lieux, Zandraa Tumen-Ulzii. Il confectionne des puzzles depuis l'âge de 10 ans. Presque tout l'intérieur du musée est en puzzle : les tables, certaines portes, des dinosaures, des tables d'échec géantes … tout est construit sans aucun clou, et chaque puzzle a une solution différente. Ce qu'ils appellent puzzle, ça n'est pas une photo en petits morceaux carrés, mais un objet construit en assemblant des pièces de bois, avec des trucs pour les faire bouger entre eux et démonter l'objet. On appellerait ça plus un casse-tête. Sauf qu'ils mesurent pour certains plus d'un mètre. Par exemple, l'un des puzzles est fait de 673 pièces de bois et nécessite 5000 mouvements pour le démonter.


Le créateur a parcouru la Terre en lançant des défis du genre "si tu y arrives en 10 minutes, tu gagnes $10,000", et il a rencontré le Dalaï-Lama et G.W. Bush. De temps en temps, la fille nous fait essayer quelques puzzles à 2 ou 3 pièces vraiment ridicules, mais dont on n'a pas su trouver la solution. Il y a aussi une salle réservée à des jouets bizarres et des poupées, une autre avec une ger montée … c'est un peu le désordre, mais une caverne de secrets.

A la fin de la visite, on est attendu par le vieux créateur du International Intellectual Museum en personne. Il nous présente un truc facile ("lequel des 3 est le plus grand ?") et fait un petit speech sur la vivacité d'esprit, dans le même style qu'un prof de prépa qui joue le jeu de la prépa, et l'importance de se servir de son cerveau. Il finit par "If you didn't like the museum, either you're lazy, or you're foolish. Probably both".

Nous voilà ressortis beaucoup plus humbles et sages, et décidons de rentrer à pied jusqu'à la banlieue de Jarmag. Avec 3 heures d'avance sur le coucher du soleil, ça devrait le faire. On passe par des endroits pas-à-touristes, pour voir le vrai UB. Evidemment c'est moche, mais pas trop mal pour une ex-ville soviétique sans ressources coincée dans une vallée à 1000 mètres d'altitude entre la Sibérie et le désert de Gobi.

Les routes sont souvent défoncées, et avec la quantité de matériaux qui traînent un peu partout, on se croirait sur un chantier permanent.



Entre tradition et modernité ? Pas à la manière japonaise en tout cas …


La situation en Mongolie est apparemment de plus en plus invivable, avec une minorité riche dans la capitale. "Ils" rasent les yourtes avec l'aide de l'armée, pour construire des beaux logements neufs à la place. Sauf que l'habitant de la yourte délogé, à qui on promet un appartement, ne peux pas se permettre d'en payer le loyer. Sarnai m'avait dit que le salaire moyen d'un travailleur à UB est de $200/mois, alors qu'un appartement coûte $80,000 et les prix ne cessent d'augmenter.

Une légende entendue et dont cette photo est mon seul constat


En hiver, s'il fait -30°C, personne ne peut survivre dehors. Les enfants SDF vivraient alors au sous-sol, là où passent les canalisations de gaz ou d'eau chauffées.

Au sud de la ville, on passe quelques maisons abandonnées en cours de chantier et on attaque la colline



On a alors un bel aperçu d'Oulan-Bator


C'est plutôt chouette, la ville est colorée et bien placée dans sa petite vallée. Le ciel est toujours d'un beau bleu, celui que n'ont jamais vu les habitants de Beijing ou Taipei. Mais en scrutant mieux l'horizon, on distingue la ceinture de gers, les bidonvilles sans béton qui s'étendent sur les pentes des collines. On aperçoit aussi les 4 centrales électriques qui alimentent la ville en fumée.



La lune se lève et on redescend de notre perchoir en se perdant un peu. On suit la rivière Tuul qui nous mène jusqu'à notre banlieue à nous. En essayant d'y rentrer "par derrière", depuis la rivière, on constate que l'on est sur une montagne d'excréments et autres déchets puants … mauvaise idée.


Vodka et jeu de cartes achèveront notre journée, comme d'habitude …




Vendredi 12 septembre


Le réveil est difficile, mais le combat contre l'ambassade de Chine sera pire. Cette fois, j'ai tous les documents, avec photocopies, et je compte bien avoir mon visa. J'arrive à l'ambassade peu après l'heure d'ouverture (9h30), et déjà la longue file déprimante d'étrangers stressés couvre une bonne partie du trottoir. Mais je ne me fais pas avoir une deuxième fois, grille habilement en gardant mes dollars de corruption, et tout se passe bien. Je pourrai venir rechercher mon passeport avant que mon visa mongol expire.

La deuxième épreuve du jour, ce sont les courses. En attendant mon RDV de 12h30 à la UB station, soit 14h avec le retard de politesse mongol, j'ai devant moi le spectacle du parking vide qui se remplit petit à petit pour le train de 14h30. Les klaxons sont de plus en plus bruyants, les filles courent en talons et traversent la grande rue en évitant les voitures et camionnettes, les gens se parlent comme s'ils s'engueulaient (mais c'est comme le chinois, c'est la langue qui fait ça …) et dans cette cohue on se retrouve finalement pour aller à la chasse aux ingrédients des sushi de demain soir.

On galère à trouver du poisson, ça n'est clairement pas le bon pays. La Mongolie n'a aucune frontière maritime, mais quelques lacs dans le nord-ouest qui sont censés alimenter la capitale en poisson. Quoique l'épisode de la pêche à la cascade d'Orhon laisse facilement penser que les Mongols n'en voient pas très souvent. Après plusieurs marchés, on trouve enfin 2 poissons du lac Khovsgol. On ajoute à cela des légumes, des champignons, du tofu mongol et des algues coréennes à kimbap.

On fait une petite pause chez des amis marchands de bonbons et fromages secs. Qui m'offrent un petit verre de vodka au milieu de l'après-midi, comme si les bonbons et le fromage c'était que pour la décoration.

La journée change de ton et se poursuit avec une sortie en tant que citadin confortable. On se retrouve tous avec Sarnai dans un restaurant propre avec un nom et des menus anglais. Le repas est à 10.000 ₮/pers. ($10), soit 5 à 10 fois plus que nécessaire. Mais par contre, c'est super bien présenté, et super bon. Bien sûr, presque uniquement de la viande (et un peu de kimchi). On continue avec un pub, pression à 3000 ₮, live band et écrans plats avec chaîne sportive, et sa copine qui nous fait des démo de nœuds de tige de cerise … et évidemment plus d'étrangers qu'on ne peut en croiser dans tout le reste d'UB. On finit au Mass, un night club étonnamment très bien sur tous les points de vue.



Samedi 13 septembre


Ce matin, c'est séance lessive dans la bassine dehors. Pendant que je m'affaire, trois filles m'espionnent à travers les planches de la palissade. Les voisines, âgées de 6 à 9 ans, me donnent leur nom et âge, c'est tout ce qu'elles peuvent dire. On échange des dessins et des petits cadeaux et je repars en ville. Un peu partout, on voit des enfants et des jeunes qui ramassent des déchets dehors. C'est deux fois par an, pour sensibiliser les écoliers à l'environnement. Ca fait du bien car la plupart des adultes jettent tout par terre. On se fait un brunch au café français avant de rejoindre les autres pour aller faire des courses. Cette fois, c'est en prévision de la semaine de hiking à partir de demain. On essaye de trouver la station de bus pour Nalayrh, mais on nous indique différentes locations et différents horaires, c'est pas très rassurant. Mais de toute façon, "le bus il part quand il est plein", donc il est inutile de se soucier de l'organisation. On continue au market acheter du riz, de la purée, des bouillons, des pâtes … Le State Department Store a des flakes indispensables pour le petit-dèj des Allemands, et aussi des nouvelles bières.

Le cinéma d'UB : à l'affiche, la Momie III


Amusements sur la place du cinéma




On "peut" conduire saoul en Mongolie, mais pas sans sa ceinture


La soirée sushi donne des résultats étranges et mitigés. Le poisson décongelé est indécoupable : il s'émiette. Pour le riz pas japonais cuit dans un pas rice cooker … et ben il est plutôt pâteux. Les nori coréennes, beaucoup trop fines, fondent au contact du riz. Bref, on a tous faim, donc on confectionne des semblants de sushi assez réussis pour les ingrédients de départ. Nos créations, appelé assortiment de sushi mongol, ont beaucoup de succès.

Soirée sushi


Et c'est reparti pour 7 jours de nomadisme et d'autarcie ...




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