Beppu
Beppu (別府), dans la préfecture de 大分 Oita, au nord de 九州, l'île du sud du Japon, résonne à travers tout le pays comme la ville des sources chaudes, la ville-onsen.
J'y étais déjà allé lors du Kyushu Road Trip en 2006, mais étant newbie, j'avais suivi Kobayashi-san en mode touriste, et plutôt que de se prélasser dans des bains, on avait fait le tour des 地獄 [jigoku] hells, des bassins d'où des vapeurs et bruits sourds s'échappent, transformés en circuit touristiques, avec des crocodiles et autres animaux qui n'ont rien à faire là.
Mais depuis, ayant découvert la puissance sulfurique des bains, je voulais y retourner pour me tremper dans les 温泉 [onsen] et notamment les 野天風呂 [rotenburo], bains en plein air, comme celui de ShinHodaka (mais les meilleurs et plus sauvages sont à Hokkaido).
Je commence la journée à 10h à la gare de Beppu, où il y a un office du tourisme bien pratique, avec même une file pour touristes étrangers, vide, alors que les japonaises sont occupées. Les établissements de la ville sont bien présentés, et plus je cause à la dame, plus elle me donne de coupons de réduction. Il y a même une carte en anglais pour trouver les onsen secrets. Je suis déçu car ça brise le challenge de trouver un bassin chaud inaccessible perdu au milieu d'une forêt, avec quelques papys locaux à tout casser. Mais bon, pour la journée je me fais un super parcours condensant les meilleurs endroits, que je peux atteindre rapidement en vélo.
Office du tourisme de Beppu en ligne : les horaires et prix des onsen (clic pour agrandir)
Je décide de commencer par un 砂風呂 bain de sable, à 15 minutes de vélo en longeant la côte. Le temps est moche et la pluie est annoncée, mais comme ça me moisifierait la journée, seules trois petites gouttes tombent.
La moche 別府タワー Beppu Tower, voire Asahi Tower, au centre-ville
Beppu est une ville coincée entre les montagnes et la mer, face à Shikoku. Des dizaines de fumerolles s'échappent des flancs de ces montagnes, preuves de l'activité volcanique en dessous, mais surtout indicatrices des bains chauds où je ne vais pas tarder à me prélasser … miam.
Montagnes fumantes derrière Beppu
J'arrive alors au 別府海浜砂湯 Beppu Kaihin Suna-yu, face à la mer.
C'est sous cette petite verrière que je vais me faire ensabler
別府海浜砂湯 Beppu Kaihin Suna-yu, 1000 yen pour 15 minutes sous le sable
Le banc de sable est imbibé d'eau thermale. D'ailleurs, elle coule dessous et ses vapeurs remontent au travers de la couche de sable. Les 2 filles préparent un trou dans lequel je m'allonge, les bras le long du coup, et elles me recouvrent en tassant un peu. Et sans prévenir, au bout de 5 minutes, des gouttes de sueur me coulent le long des tempes et je sens mon pouls battre aux chevilles. J'ai du mal à ouvrir les yeux pour la séance photo mais on peut pas dire que la vue sur les pelleteuses est top, ils reconstruisent le port ou font des digues.
Après la phase de dessablage, un petit bain
Photo inédite : 竹瓦温泉 Takegawara onsen, l'autre sand bath de Beppu, 33 mois plus tôt …
Je renfourche le mamachari de Lorraine pour remonter la Daigaku St, puis une petite rue pavée. C'est plus raide que ça n'en a l'air et ça sent le soufre, ou l'œuf pourri, partout.
Fort Boyard
Pause 温泉玉子 Onsen Tamago, un œuf cuit à l'onsen
A coté, passage au 別府祕寶館 Hihokan (discount 600 yen), complètement くだらない mais je ne regrette pas (photos sur demande)
Un peu plus haut, on arrive à 鐵輪 Kannawa, un quartier qui regroupe la plupart des 地獄 Jigoku, tristes sources touristiques appelés enfers (plus de photos avant). Il y en a un que je n'avais pas vu, soit-disant le plus beau. Pour 400 yen, je vais donc faire un tour à l'海地獄 Umi-jigoku, l'enfer de la mer.
Arrivée sur 鐵輪 Kannawa : beaucoup de fumée sans feu
海地獄 Umi-jigoku
En effet, la couleur de l'eau est super chouette. Ca donnerait presque envie d'y sauter
Il y a écrit 天然 (naturel) mais je ne sais pas s'ils ajoutent des trucs dans l'eau ou pas. Dans le magasin que l'on est obligé de traverser pour aller au jigoku, ils vendent des sacs de poudre à mettre dans son bain pour reproduire l'umi-jigoku chez soi.
Sous une serre, des nénuphars géants grandissent dans un bassin tiède d'eaux des profondeurs
Il y a aussi un足湯 [ashiyu], un foot bath, et non "hot spring of a leg" comme ça les amuse d'écrire
Il est très chaud, surtout si on y entre là où l'eau est introduite, et il y a des yuzu qui flottent pour jouer avec
Il y a aussi dans l'enceinte un étang d'une verdure surprenante
Il ne pleut toujours pas, c'est donc le moment de passer aux choses sérieuses. Je grimpe au sommet de 明礬 Myoban, la partie de Beppu qui s'invite dans la montagne. Elle est même derrière l'autoroute.
Mamachari qui grimpe
Il y a tout en haut 湯の里 Yu-no-sato, un parc qui loue des maisonnettes pour prendre des bains privés. A l'entrée, je tombe par hasard sur les étudiants-dentistes qui m'avaient pris en stop jusqu'à Fukuoka la veille, la série des rencontres fortuites continue. On déjeune ensemble avant d'aller enfin profiter de ce que j'étais venu voir, des bains aux propriétés magiques.
Là dedans pour ceux qui veulent être tranquilles
Tout au dessus, il y a un 野天風呂 bain extérieur pour 500 yen, d'une couleur extraordinaire, avec vue sur la ville de Beppu, et évidemment du pont de l'autoroute qui vient la couper.
湯の里 Yu-no-sato
別府 明礬 湯の里温泉 : un truc qu'on devrait tous avoir dans son jardin
Dans d'autres maisonnettes, ils font aussi pousser des 湯の花 Yu-no-hana : des "fleurs de d'eau thermale". Ils arrivent à faire cristalliser les minéraux des sources et les revendent en petit sachet pour mettre dans son bain à la maison.
湯の花 Yu-no-hana
Un peu plus en contrebas, il y a Beppu 保養ランド Hoyoland, que je ne pouvais pas éviter avec sa description.
Mud-filled paradise: an unforgettable sensation, as if you are entering right into hell
Par contre, l'entrée est toute pourrie, on dirait un bâtiment abandonné. On me prend pourtant 1050 yen au guichet, j'enfile mes pantoufles, et c'est parti.
泥湯 Doro-yu, bain de boue, voilà ce qui m'attend
Le chemin à suivre pour aller de l'accueil jusqu'au bain est sinueux et rigolo. On aperçoit un peu plus loin des jets de vapeurs, les même qu'il y a dans les jigoku interdits à la baignade, et c'est là que je me dirige …
Entering Hoyoland ...
Se balader avec un appareil photo entre les bains et les gens tout nus, c'est pas confortable et un peu interdit, mais j'ai tenté de prendre des photos représentatives.
L'intérieur, c'est assez sombre, surtout en soirée, et les couleurs de l'eau et des briques donnent une ambiance magique et médiévale. Le domaine est très vaste, il y a des passages intérieurs et extérieurs entre les bains séparés et les bains mixtes, les bains de boue et les chambres à vapeur. Les hommes et les femmes sont plus ou moins séparés et mélangés.
Le bain principal intérieur, dit Colloid-yu, très chaud
Il y a une sorte de passage secret pour aller dehors, qui descend au sous-sol vers un bain de rinçage, pour ceux qui y reviennent, puis remonte vers un long couloir, avant de déboucher sur un bain géant extérieur.
Le passage en direct
Le fameux bain de boue géant
Les barrières en bois délimitent la zone des femmes et celle des hommes. En fait, il y a un fond de boue et de l'eau jusqu'à 1 mètre environ. L'eau est quasiment opaque, donc les gens s'avancent accroupis jusqu'à un endroit peinard, où ils ramassent de la boue qu'ils se mettent sur les épaules et les bras. On est censé faire ça de jour, pour qu'elle sèche au soleil, mais c'était trop tard pour moi. La boue est en faite grise, c'est une sorte de pâte de cendres qui sent le soufre.
Plus caché (au fond sur la photo ci-dessus), il y a un bain plus petit, mais avec beaucoup plus de boue. C'est très facile d'y tomber étant donné que mes jambes restent prises et aspirées par la viscosité.
Déjà qu'un bain extérieur, c'est un peu se retrouver dans un état primitif, tout nu dans l'eau au milieu de la nature, si en plus on peut se rouler dans la boue (propre) c'est le top.
Tout nu sous les étoiles, entre un bain de boue et un jet de vapeur qui sort directement des entrailles de la Terre. S'il n'y avait pas le pont autoroutier, on serait vraiment en préhistoire
De l'autre coté du bain géant, il y un chemin qui traverse une rivière sur un petit pont en bois, contourne l'entrée des femmes, et rejoint le domaine des hommes avec la cascade d'onsen.
Visite guidée
滝湯 Taki-yu
Les むし湯 chambres à vapeur, on n'y voit rien du tout. En entrant, je me fais guider par des voix qui me font asseoir sur un banc en bois. C'est bien plus étouffant que n'importe quelle autre chambre, et on a tous les yeux qui piquent rapidement.
むし湯 mushi-yu
Les pompes de l'enfer
Retour au bain principal. Hoyoland, c'est stupéfiant
En rentrant je me trouve une spécialité locale, les とり天 (toriten), des から揚げ (poulet frit) gras et juteux, et je m'arrête à un dernier onsen, ひょうたんの湯 Hyotan-no-yu. Une hyotan, c'est une gourde de cette forme là, et il y a un bain de la forme dans l'onsen éponyme.
Entrée de ひょうたんの湯 Hyotan-no-yu
A l'intérieur, ça sent l'artificiel, mais c'est quand même bien foutu. A part les 19 滝湯 cascades d'affilée et désertées, en sous-sol, et la dalle de béton brute du 野天風呂 outdoor bath, c'est relaxant. J'y croise 2 yak*zas (Beppu est intimement liée à la prostitution) et un sauna très chaud accompagné de jets d'eau froide industriels, avant d'y sortir complètement crevé, toute mon énergie ayant été dissoute dans les eaux thermales.
Un peu partout en accès gratuit, les 足湯 [ashiyu], bains de pied
Je rentre chez Lorraine m'endormir directement, la peau toute lisse et sentant les minéraux. Le lendemain, hiking à Yufuin, puis retour à Beppu pour une autre folle journée : Beppu secret, les coins des locaux.
Cette aventure est un épisode du Yakushima hitchhiking trip
1 commentaire:
J'y étais aussi allé il y a 5 ans. Je me rappelle d'une eau super chaude, et puis c'est vrai qu'il y a des onsens partout.
J'avais bien aimé les enfers jigoku même si je suis d'accord pour faire l'impasse sur les crocodiles...
Et puis comme onsen j'ai aussi fait les mêmes (sauf Yu no sato. Je voulais mais je n'ai pas eu le temps). Mais c'est bizarre: moi j'avais bien aimé le bain de sable sur la plage (sans bulldozer) et moins hoyoland (le bain de boue ne m'avait pas enthousiasmé).
En tout cas c'est vrai que le nombre de onsens est impressionnant... ça donne envie d'y retourner!
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